Cette matinée n’allait pas différer des autres, à première vue. Non en fait, il ne fallait même pas ouvrir les yeux pour deviner le temps à l’extérieur. Par l’ouïe seule, l’on pouvait déduire qu’il pleuvait. Brisant le silence total, les gouttes d’eau s’affalaient sur le toit, ou encore dégoutait de son extrémité. Allongée dans son tatami, Yuu s’éveilla lentement grâce à la perturbation. Sa tête tourna ainsi légèrement à sa gauche, afin d’admirer une porte grande ouverte sur l’extérieur, ainsi que les rafales d’eau dégoûtant en face de celle-ci. Ce n’est point ce qui attira le plus son attention sur le moment. En fait, c’était plutôt la présence qui se tenait adossée dans ce cadre de porte qui l’emporta. Sous l’effet du réveil, la jeune femme tarda à se hisser hors de son nid, ou du moins s’y asseoir confortablement. Lorsque sa vue cessa de lui jouer de mauvais tours, elle put enfin s’adresser à la personne en question, qui n’avait pas bougée d’un pouce.

"Yori…"

S’apprêtant à lui poser une question, elle fut toutefois coupée par sa propre envie de bailler. Yuu en fit autant, tâchant de profiter de l’instant pour étirer ses bras, aussi. Hasardeux réveil, certes. Ses yeux revinrent rapidement se poser sur son frère qui entama alors quelques pas à l’intérieur, en sa direction. Ce dernier portait toujours ce malin sourire sur ses lèvres, chose qu’elle ne douterait pas d’être un héritage dans la famille. Elle lui rendit de même, mais ne sortir pas un pied de son tatami pour autant. Elle ne fit qu’observer ce dernier faire des pas autour d’elle, suscitant une seule question.

"Je peux savoir ce que tu fais debout à cette heure là?"

Un sous-entendu bien sûr, car ce qu’elle se demandait vraiment n’était sans aucun doute la raison de sa présence à une telle heure. De sa tête, elle suivit chacun de ses mouvements. Aussi lunatique qu’elle, ce dernier s’attardait à observer chaque recoin de sa chambre, comme si c’était la première fois qu’il y posait les pieds. Quand c’était tout le contraire, en fait… Question de rigoler un peu, elle claqua des doigts afin de le forcer à tourner de nouveau le regard vers elle. Même en kimono, il ne se pointait pas le nez sans son masque. Dans sa propre demeure, en fait. Enfin, elle n’allait pas questionner aujourd’hui ce qui est en fait, devenu une habitude. Mais la kunoichi désirait avoir une réponse. Alors elle haussa les sourcils, comme pour le lui faire comprendre.

"Père veut te voir, à propos de… Enfin, tu sais."

Dit d’une voix nonchalante, ses mots en prirent effet. Que voulait le vieux encore, à cette heure là surtout? Elle ne s’obstinerait point, sachant que ce dernier aime bien la ponctualité et le concept du respect envers les aînés… À ne pas méprendre, elle l’aime bien son père! Son métier lui a juste trop dépeint dessus, sans doute. Doublant d’effort, Yuu finit par se hisser hors de son tatami et en conséquence sur ses pieds. Puis seulement alors, ajusta-t-elle son kimono avant de croiser le regard avec son frère, tous deux l’air moqueur.

"Pourquoi t’avoir envoyé toi?"

Yori étouffa un rire, avant de prendre un drôle d’air et de lui répondre,

"La parfaite excuse pour me réveiller, après tout."

Elle aurait dut s’en douter. Après tout, ce dernier était un maître quant aux grasses matinées! Satisfaite de la réponse, elle tourna les talons, prête à faire face à la pluie. La joie d’habiter dans une si grande maisonnée? La beauté et son vaste espace, de nombreuses pièces… Seulement accessibles les unes aux autres par l’extérieur. Mais bon, une merveilleuse excuse afin de prendre l’air tous les jours! La main posée contre le mur, prête à mettre le pied sous la pluie, elle fut alors interceptée une fois de plus par les paroles du paresseux.

"Hé, Yuu!"

Ne manquant point à l’appel, elle tourna une fois de plus la tête vers lui, l’air bien innocent. Patiente, elle attendit que ce dernier pointe du doigt la direction vers laquelle elle se dirigeait. Elle le suivit du regard, puis curieusement, revint poser ses yeux sur son frère. Question de découvrir ce qu’il tentait de lui communiquer de la sorte…Puis elle crut deviner.

"…Il va faire la morale encore, n’est-ce pas?"

Yori n’eut même pas à hocher de la tête, ni de sortir un mot pour qu’elle le sache. La kunoichi laissa un grognement se hisser de ses lèvres, avant de se gratter le crâne de son autre main. N’étant que devant son frère, elle aurait put s’exprimer, se plaindre de l’attitude qu’elle envisageait déjà que son père lui ferait à une heure si inappropriée pour la chose mais… Elle n’eut même pas à souffler un mot, que par un seul regard sur le visage de celui-ci, elle sut qu’il se doutait tout à fait du fond de ses pensées. Ouais, celles sur un père qui malgré l’âge de sa fille, tâcherait de lui faire la leçon comme si elle avait dix ans de moins. Prête à affronter cela, d’un air déjà choqué, elle franchit le pas de porte quand elle entendue une fois de plus son frère s’adresser à elle. Cette fois, d’un ton bien plus calme et serein.

"Blâme le pas, il est ton père après tout. Puis tu sais toi-même, les risques que tu cours… Enfin."

Si ce n’était pas Yori qui avait lâché ceux-ci, sans doute lui aurait-elle fait ravaler ses mots. Mais la seule chose qu’elle put faire, c’est de lui lancer un autre sourire, alors que la pluie s’affalait déjà sur son visage. Tel un merci, pour un rien. Un seul hochement de la tête lui suffit comme au revoir, qu’elle partit en quête de son cher paternel. Au moins, peut-être ne l’affronterait-elle pas déjà pompée, maintenant…