Quand le silence retomba dans la pièce, Katsuki sentit comme un malaise. Celui à qui il s’était adressé le détaillait maintenant, perplexe. Avait-il dit quelque chose de travers ? Il fallait le croire, car ce n’est qu’après avoir laissé le temps de s’installer le doute pernicieux qu’il obtint sa réponse. Ni affirmative, ni négative. En réalité, elle ne donnait aucune indication quant à la position du beau-frère sur cette projection. Non, tout ce qu’avait dit Kenzô était en réalité une remarque comme quoi il avait tout de suite compris que l’idée ne venait pas de Katsu, mais bien de son paternel. Ceci lui arracha un sourire en coin, mi-gêné mi-satisfait. Au moins, il n’y avait dans sa nouvelle famille ni attardé mental, ni asocial complet. Car c’est bien ce qu’avait envisagé le shinobi les jours précédents. Il n’avait guère entendu son interlocuteur marmonner autre chose que des réponses affirmatives à sa mère.

Survint un évènement inattendu : Kenzô, se tirant peu à peu de son apathie, chercha mollement un petit paquet. Lorsqu’il comprit qu’il s’agissait d’un conteneur de cigarettes, Katsuki sentit son sourire disparaître. Mais il n’avait pas tout vu : non seulement, le jeune homme alluma l’objet de ses désirs nicotiniques à même le lit, mais il prit aussi une grosse lampée d’une bouteille de saké déjà bien entamée. Le futur héritier des lieux ne dit rien, bien qu’il n’en pensât pas moins. Cependant, cette fois-ci, il s’efforça de garder un visage parfaitement neutre. Il avait effectivement en face de lui un homme, dépendant à certaines substances douteuses, certes, mais loin d’être un idiot, et qui savait lire dans les expressions d’autrui.

Lorsqu’il eut consommé tout le plaisir factice qu’il put tirer de son léger cylindre, et seulement après s’être rincé le gosier avec une nouvelle gorgée d’alcool, le neo-fraternel se leva. Il noua autour de la taille son bandeau nouvellement acquis, ce qui lui valut une légère montée dans l’estime de Katsu. Ensuite, se tournant vers ce dernier, il lui dit :

« Je te suis, l’ami. »

Cette fois-ci, ″l’ami″ lui sourit un peu plus honnêtement. Il lui rétorqua alors :

« Hé bien, allons-y alors ! »

Le juunin suivit le parcours les séparant de la porte d’entrée de la maison, en faisant tout de même un détour par la case cuisine pour en profiter pour prendre le repas de midi préparé la veille, et deux ou trois encas pour compenser le petit déjeuner manqué de ce matin. Une fois à nouveau en vue de Kenzô, il lui fit un signe de la main l’invitant à le suivre à nouveau. Ils débouchèrent sur une rue qui se remplissait à vue d’œil. Faisant remarquer à son compagnon que l’endroit serait bientôt bondé, il se hâta de se diriger vers les portes, lui assurant que la visite du village en lui-même se ferait sans doute à une heure un peu plus tardive. Une fois arrivés aux imposantes portes du village, le juunin salua les gardes en faction, qui lui rendirent son salut. Enfin, ils arrivèrent dans le désert. À partir de ce moment, il n’y avait plus âme qui vive à perte de vue.

« Tu l’as sans doute déjà vu, mais je vais te faire les ″présentations officielles″. Voici le désert de Suna. Adoré par ses habitants et détesté par ceux qui ne le sont pas. J’espère que tu t’y feras. Je dois aussi t’avertir : il n’est pas très prudent de sortir seul dans ce désert, si puissant soit-on. Et surtout, n’oublie jamais de prendre avec toi une réserve d’eau potable. Les oasis sont rares, et le sont encore plus quand il s’agit d’y trouver de l’eau potable. Je suppose que tu sais déjà tout cela, peut-être que je parle dans le vent… Mais c’est important. Pour ce qui est de l’eau, ne t’inquiètes pas, j’ai pris des réserves pour aujourd’hui. De plus, nous allons faire halte après d’une des seules oasis se trouvant relativement près de Suna, contenant une eau relativement potable, que pas grand monde ne connaît. »

Le duo se mit donc en route, direction plein Est, face au soleil ascendant. Heureusement, celui-ci était assez haut que pour ne pas aveugler les deux shinobis dans leur progression. La température commençait déjà à grimper légèrement. Le vent se leva, mais ce n’était pas une source de soulagement, au contraire. Il était chaud et sec. Katsu y était habitué, mais s’inquiétait tout de même pour son accompagnateur. Cependant, par réserve et par souci de ne pas le vexer, le juunin resta taiseux sur ce sujet. Il ne laissa cependant pas le silence s’installer. Il présenta les divers endroits particuliers du désert, notamment ceux que l’on pouvait apercevoir au loin, et en profitait pour raconter quelques anecdotes célèbres, connues par la majorité des Sunajins.

Après quelques dizaines de minutes de trajet, les deux hommes arrivèrent au point d’eau. Là, ils se délassèrent un court instant à l’ombre de l’un des rares exemplaire de végétation désertique. Katsuki posa son sac à terre, signalant à Kenzô qu’il pouvait se servir d’eau quand bon lui semblait. Il fit quelques pas, regardant l’horizon, s’assurant qu’il n’y avait aucune menace se profilant. Ensuite, il se tourna vers son beau-frère.

« Nous y voilà. J’ai appris il n’y a pas longtemps que tu fus un émérite juunin du village d’Iwa. Acceptes-tu de me démontrer ta puissance ? Enfin, je parle d’un petit combat amical, en guise de remise en condition. Une dernière chose : pas besoin de retenir tes coups : je suis initié en médecine, et je saurai remettre d’aplomb tout qui en aura besoin, même s’il s’agit de moi. »

La proposition semblait alléchante aux yeux du futur antagoniste, étant donné la lueur de plaisir ayant traversé ceux-ci. Ce dit plaisir parut beaucoup moins réjouissant quand l’intéressé ouvrit la bouche pour jeter des paroles qui eurent l’effet d’un déversement d’acide sur Katsuki. Comment ? Il ne connaissait pas son prénom ? Et il comptait le tuer ? Le Miyake, le vrai, lui, au moins, avait fait l’effort d’enregistrer directement le patronyme de son nouveau frère, alors que celui-ci n’avait même pas pris la peine d’essayer de se remémorer ne serait-ce que le diminutif d’un des membres de sa nouvelle famille ?

Katsuki se surprit lui-même à penser cela. Évidemment, il s’agissait de pure provocation, histoire de se motiver un peu plus pour taper sur l’autre. Que croyait-il ? Impressionner un juunin du pays du vent ?

« Kastsuki… Miyake Katsuki. J’espère que cela te reviendra à l’esprit lorsque tu te relèveras de ton lit d’hôpital. »

Il accompagna ce trait d’un léger mouvement descendant de la tête. Il se recula, tout comme son nouvel adversaire. Tandis que Kenzô faisait de petits sautillements sans doute pour s’échauffer, lui préférait se mettre en garde. Avec une lenteur calculée, il amena ses deux bras devant lui, repliés, les mains légèrement courbées, et les deux jambes dans une position qui lui permettrait de maintenir son équilibre tout en se déplaçant avec aisance. C’était une posture parfaite pour la défense, tout en permettant une possibilité d’offensive. De toute évidence, si quelqu’un lançait le combat, ce ne serait pas Katsu. Les opposants échangèrent une œillade, et… enfin commença la confrontation.

La limite du no man’s land d’une longueur d’une dizaine de mètres fut violée la première par l’ex-shinobi d’Iwa. Il franchit la distance en un instant, mais cette vitesse n’avait rien de surprenant pour un shinobi de son niveau. Un peu déçu par cette attaque trop prévisible, le juunin se prépara à parer l’attaque frontale dont il allait être la cible.

Non, ce n’était pas une attaque frontale. Effectivement, trop prévisible. Alors que l’assaut allait survenir, la course du combattant fut soudainement brisée par un mouvement inattendu, une déportation vers la droite du juunin. Celui-ci, surpris, eut du mal à suivre directement son adversaire des yeux, ce qui fit qu’il aperçut en tout et pour tout un pied se dirigeant dangereusement rapidement vers sa mâchoire. La partie reptilienne du cerveau de Katsu fut la plus prompte à réagir, et, avec une souplesse et une vitesse étonnantes, le juunin recula légèrement sa jambe droite, tout en courbant son dos et en décalant son bras droit. Mais tous ces mouvements défensifs avaient étés planifiés bien trop tard, et le coup porté atteignit avec succès sa cible. Le maximum qu’eut pu faire la victime de cette attaque fut de limiter les dégâts, cependant la première douleur, celle qui annonce que l’assaut a effectivement commencé, était bien présente.

Aidé par la poussée du coup qu’on lui avait porté, Katsu se dégagea quelque peu de son adversaire. Pas mal, pensait-il. Il massa légèrement sa mâchoire endolorie. C’était à son tour d’attaquer, maintenant. Son poing droit se resserra. Il entama une rotation des épaules, accompagnée d’une avancée de la jambe droite, afin de maximiser l’impact de son coup. À son tour. Le bras du juunin se tendit peu à peu, pour tenter d’aller frapper à la mâchoire l’homme qui avait osé s’en prendre à son propriétaire. Œil pour œil, dent pour dent.

Spoiler:

« Tu me parais bien impudent, mon petit. »

Il y avait deux manières de considérer la tentative de coup à la mâchoire que Katsuki venait de prester. Soit il s’agissait d’un échec cuisant, les phalanges ayant heurté le faciès à quelques centimètres à côté de leur cible initiale, soit il s’agissait d’un succès inattendu, au vu du résultat plus que satisfaisant. Alors qu’il n’allait essuyer qu’une petite tuméfaction dans le pire des cas, le coup qu’il venait de porter avait eu un impact assez encourageant pour le juunin. De facto, il vit une légère quantité de liquide écarlate s’échapper de la partie atteinte de Kenzô. Voilà qui pourrait confier au Miyake un léger et éphémère avantage psychologique sur son adversaire. Cependant… Le sang appelle le sang.

À tout ce qui se trouve ci-dessus, Katsuki ne prêtait aucune attention. En réalité, cela ne lui avait même pas traversé l’esprit, exceptée évidemment la vision de l’étendue des dégâts. Tout ce qui l’occupait était de manière évidente la personne se mouvant devant lui. Le temps sembla se dilater dans la fraction de seconde ayant suivi le choc. Il se contracta à nouveau rapidement, car, d’un geste bien calculé, le Tachibana envoya un coup de pied à l’intérieur de l’articulation du genou, la zone la plus faible une fois le genou plié. La manœuvre se devait d’être salué, car non seulement remarquablement bien effectuée, mais aussi d’une utilité stratégique indéniable pour le reste du combat. En effet, si la douleur se fit ressentir dans le méandre de sa jambe gauche fut désagréable, ce n’était rien comparé à ce qu’allait ressentir le juunin lors de ses déplacements futurs.

La session offensive de l’antagoniste n’était pas terminée. Se redressant sur toute sa hauteur, Kenzô voulut frapper de son poing le centre de la poitrine. Les conséquences d’un tel coup sont bien connues, et n’ont de cesse de rappeler, ne serait-ce qu’en le mentionnant, de désagréables souvenirs à ceux qui en ont déjà été victime. Touché de plein fouet, on attrape une fréquence respiratoire analogue à celle d’un asthmatique en pleine crise, et ceci pendant quelques déplaisantes minutes. À nouveau, l’enjeu tactique d’un pareil coup était important pour le déroulement prochain de la confrontation. N’en étant qu’à moitié conscient en voyant le poing furieux se rapprocher de plus en plus dangereusement d’un point un peu trop proche de ses organes vitaux, le juunin, en un ultime réflexe, tenta de parer l’attaque. Plaçant ses bras de manière à faire barrage et leur donnant une impulsion inverse en direction à la force dirigeant la torgnole qui lui était destinée. Bien que le heurt des deux membres ne fut pas des plus agréables, Katsu fut par la suite satisfait de sa manœuvre ayant grandement limité les dégâts.

Les deux opposants se désengagèrent l’un de l’autre, le Miyake par un petit pas en arrière histoire de retrouver une position d’équilibre ; le Tachibana en un bond. À nouveau, les limites invisibles de l’arène intangible étant le théâtre de l’affrontement semblèrent se matérialiser. Les deux combattants constataient les maux les affligeant. Kenzô semblait à peine prendre conscience de sa légère hémorragie, tandis que Katsuki, en effleurant sa mâchoire, sentit que celle-ci commençait à enfler légèrement. Son jarret le faisait également souffrir, mais il nia la douleur : il ne fallait pas se laisser distraire par pareilles futilités.

Chacun avait repris brièvement son souffle. Le « deuxième round » pouvait commencer. Encore une fois, Kenzô prit l’initiative. Mais cette fois-ci, l’offensive ne fut pas physique, mais bien verbale. La provocation, bien qu’adressée à un homme d’ordinaire blasé, fit mouche. Piqué au vif, le juunin dont le mérite était injustement remis en doute répondit :

« Hmpf... Nous verrons bien qui est réellement digne de son grade dans quelques instants… »

L’air provocateur qu’affichait son adversaire semblait exaspérant pour Katsuki. Quelle était la raison de cette perte de sang-froid si prompte, lui qui à l’usuelle était réputé pour être de nature paisible ? La chaleur environnante, couplée à celle prodiguée par l’effort ? La nervosité récente ? Quoi qu’il en soit, il sentit une immense satisfaction quand il vit cette moue disparaître du visage de Kenzô pour qu’il se transforme en une expression de douleur. Était-ce là le « contrecoup de son coup » ? Peu convaincu, le juunin décida pour s’auto satisfaire que le cas fût bien échéant, et profita pleinement de cette ouverture. Il fonça allègrement en direction de son fraternel, afin de lui administrer un second coup à hauteur de l’estomac, partie corporelle moins aisément défendable si l’on en croyait la garde assez haute qu’utilisait son rival.

Spoiler:

Une satisfaction immense envahit Katsuki lorsqu’il sentit la paume de sa main entrer en contact avec le tissu recouvrant les abdominaux de Kenzô. À nouveau, il avait réussi son coup. Le choc fit ployer la cible de l’attaque. Toutefois, il apparaissait au juunin que le comportement étrange de son opposant n’était définitivement pas dû à une de ses interventions. Avait-il attrapé une maladie locale ? Était-ce la conséquence logique d’un petit-déjeuner tout sauf diététiquement acceptable ? Une simple nausée passagère ? Dans ces cas, il suffirait d’un seul signe du fraternel pour que l’altercation cesse, et qu’il puisse se reposer. Mais le Tachibana n’en fit rien. À ce niveau, Katsu pouvait détailler les symptômes affectant son concurrent. Légère sueur perlant à la surface de l’épiderme, tremblements imperceptibles, pâleur inhabituelle, veines temporales anormalement saillantes… Le tout laissait présager un malaise imminent.

S’attendant à ce que son nouveau frère déclare forfait de manière imminente, le juunin ralentit son rythme. S’il eut su ce qui se tramait, peut-être n’aurait-il pas dû agir de cette façon. Quoi qu’il en fut, il aperçut avec surprise le faciès de Kenzô changer du tout au tout. D’affligé, il passa à affligeant. La haine caractéristique du combattant pouvait se lire au fond des pupilles noires du Tachibana. Elle paraissait même exceptionnellement exacerbée, comme si Katsuki fut l’œuvre de tout le malheur qui l’avait récemment frappé. D’un geste vif, l’ardent ressentiment fut exprimé dans toute son inimitié. Le Miyake, inexplicablement absorbé par les yeux de son antagoniste, put uniquement noter du coin de l’œil une masse se dirigeant vers eux. Puis plus rien, si ce n’est la douleur…

Mais… il venait de se faire magnifiquement frapper encore une fois à la mâchoire, sans avoir pu agir défensivement ! L’onde de choc s’était répandue dans tout son corps, empêchant les fonctions cognitives de faire leur devoir pendant un très court instant. Une fois la pensée revenue à lui, le juunin s’aperçut de ce qui s’était produit, et sentit aussi qu’il était en train de perdre l’équilibre. Inutile d’ordonner à ses muscles de contrer la chute immanente, il fallait tomber avec panache. Passant ses deux mains derrière la tête, il ne tarda pas à entrer en contact avec le sol. Il exerça alors une pression dessus pour transformer le mouvement. Il tendit ses deux membres, et son corps bascula par-dessus. Cette fois-ci, la chute était sous contrôle, et, après cette roulade arrière, Katsu retrouva rapidement une position d’équilibre. Une fois remis en garde, il passa son index sur sa dentition… non, rien de cassé, dieu merci. Il releva les yeux vers Kenzô, juste le temps de voir le dernier murda que celui-ci composait, de se dire « Oh, oh… », et par la suite d’entendre le nom de ce qu’il allait déguster : « Katon – Haisekishô. ». Tout cela ne présageait rien de bon.

Prenant une grande inspiration, le Tachibana recracha un nuage grisâtre se propageant vers le juunin à une vitesse ahurissante. Protégeant son visage et retenant sa respiration. La nuée ardente le frappa de plein fouet. Cependant, une fois arrivée à son niveau, celle-ci perdit rapidement de la vitesse, pour s’immobiliser. Katsu se risqua à ouvrir un œil, pour constater que la cendrée allait bientôt se retrouver dispersée par les vents. C’eut été réellement le cas si la technique utilisée n’avait pas eu de suite. Malheureusement pour le Miyake, le cas échut. Dans son dos, il sentit quelque chose se tramer. Il entendit une déflagration se produire juste derrière lui. Il eut juste le temps de se rendre compte que tout s’embrasait autour de lui, avant de fermer à nouveau ses yeux et de sentir un puissant souffle le balayer comme un vulgaire grain de sable. Durant son court envol, il se sentit s’embraser, et il allait sans doute bientôt souffrir encore plus de l’attaque. Il se retrouva projeté à terre, et mangea littéralement le sable. Ceci lui permit cependant d’éteindre l’incendie qui allait s’en prendre à lui. C’était une bonne chose, car l’attaque l’avait déjà bien amoché. Ses vêtements s’étaient retrouvés calcinés, parsemés d’accrocs d’où l’on pouvait observer des plaies béantes. Le juunin était dans un sale état. S’il se prenait encore une attaque de pareille envergure… il ne s’en relèverait sans doute pas. Ses cheveux ébènes avaient pris une teinte terne, tant ils étaient emplis de escarbilles consumées.

Avec peine, Katsuki releva son corps endolori. Une quinte de toux l’assaillit, le faisant recracher toute la cendre et tout le sable avalés. Il jeta un regard acerbe à celui qui l’avait endommagé. Celui-ci ne prenait plus les choses à la légère. Hé bien, ç’allait être pareil venant de l’autre côté. Dans un dernier élan de sagesse, le med-nin qu’il était se rappela de faire attention à ne pas trop malmener le frère qui était en face de lui… mais cela, il aurait le temps d’y resonger après. Il joignit ses mains sanguinolentes pour former un sceau particulier : celui du bélier. Une fois ceci fait, il s’abandonna à une méditation intérieure. Il sentit son chakra circuler en lui, comme à l’usuelle. Il l’extériorisa, si bien que l’on put discerner pendant une fraction de seconde une aura bleutée se créer autour du juunin. Ensuite, il le concentra au niveau de ses mains. Il le prolongea par-delà ses membres, comme une extension. Il le voulait tranchant, très tranchant… Et assez précis que pour couper un cheveu en deux dans le sens de la longueur. Oui, il se retrouvait maintenant avec de véritables scalpels faits uniquement de son propre chakra. D’un bond, il se mit à hauteur de son rival. Il avait déjà manigancé son plan d’attaque ; cela requérait une précision millimétrique. À ce niveau-là, il était confiant envers lui-même.

La première attaque allait se faire à hauteur de l’épaule droite. La cible : l’artère subclavière. S’il parvenait à créer une légère entaille, le juunin aurait l’opportunité d’infliger un handicap temporaire à l’ennemi sans que celui-ci s’en retrouve durablement affecté. L’usage de sceaux deviendrait beaucoup plus délicat pour Kenzô avec un bras aux capacités diminuées. La seconde attaque se devait d’être effectuée avec encore plus de précautions, car beaucoup plus dangereuse. En effet, le but à atteindre n’était autre que l’artère aorte. Cette artère contenait un débit sanguin tellement important qu’une section trop importante aurait pu tuer son adversaire en quelques secondes. Le juunin ne voulait pas cela : il souhaitait simplement modérer fortement la quantité d’hémoglobine irriguant l’encéphale. Ainsi, cela provoquerait un hébétement, voire une perte de conscience temporaire. Dans tous les cas, ce ne serait pas agréable, mais cela laisserait au Miyake l’opportunité de remporter le combat, but qu’il avait mis un point d’honneur à atteindre. Le tranchant de la main de Katsuki passa donc rapidement près de l’épaule du Tachibana, ensuite à proximité de la gorge de celui-ci. Les scalpels qu’il avait créés étaient capables d’agir à très courte distance, et permettaient une intervention interne sans pour autant requérir un contact. Une fois sa double offensive effectuée, il se retira, se préparant au coup final.

Durant son offensive, Katsuki s’en rendit compte une fois qu’il fut à quelques mètres de son adversaire, ce dernier avait profité de l’attaque pour la rendre la moins confortable possible. Il avait essuyé un choc soudain, mais n’avait pas tout à fait saisi quand celui-ci s’était manifesté, tant il était obsédé par son attaque. Il comprit alors qu’il était entré dans la frénésie du combat, cette sorte de transe durant laquelle le bulbe rachidien et le mésencéphale semblent prendre le dessus sur leurs pairs, et contrôlent absolument tout. Mais le simple fait que le juunin s’en redit compte démontra que celui-ci ne s’était pas complètement abandonné à ses instincts primaires. Massant pour la énième fois sa mâchoire, il constata que celle-ci s’était à nouveau fait malmener. Une de ses incisives commençait d’ailleurs sérieusement à ne plus tenir en place. La pauvre s’était pris un assaut de front, de quoi la rendre inutile pour la fonction qu’elle était censée remplir. Qu’importait, il s’en occuperait après avoir mis un terme à cette altercation.

Le Miyake ne quittait plus des yeux son adversaire. Il attendait ce moment, ce signe presque imperceptible annonçant la perte de conscience imminente, cet instant où les yeux trahissent leur propriétaire par leur fuite subite. C’était du moins l’effet que le double coup dût produire. Et ce fut bien le cas, crut le juunin, voyant avec une allégresse légèrement malsaine son rival tomber à genoux, tremblant comme une feuille. Enfin, les yeux vacillèrent, mais ne se clorent pas totalement. Katsuki allait à nouveau frapper son adversaire avec une précision nécessairement calculée, afin de le paralyser, ou encore de l’endormir, il ne savait pas encore très bien. Mais trois petits mots stoppèrent cet élan enthousiaste. Kenzô souhaitait -en s’étant fait entendre d’une voix qui trahissait un effort surhumain demandé- que le med-nin quitte immédiatement le lieu de l’affrontement. Était-il pudique à ce point ? Si mauvais joueur ? S’il ne savait pas perdre avec panache, alors il fallait lui apprendre. Ce n’était pas dans les habitudes du juunin de s’amuser à humilier autrui, mais sa volonté de gagner cet affrontement transcendait tout raisonnement logique. Jamais au grand jamais il n’imagina qu’en cet instant, son existence était menacée.

Cette fois-ci, le terme était proche. Katsu n’allait pas se presser, il avait pratiquement tout le temps qu’il désirait pour se rapprocher de son adversaire, et remporter l’altercation en un seul moment. Maintenant, il savait ce qu’il allait faire. Frapper dans une zone précise de la nuque pour envoyer Kenzô dans le royaume de Morphée pendant quelques minutes. Ensuite, il s’occuperait des plaies infligées dans les deux camps, et enfin réveillerait le Tachibana pour lui faire constater qu’il était défait. Oui, c’était exactement comme ça que les choses allaient se dérouler.

En réalité, pas tout à fait. Alors qu’il se voyait déjà vainqueur et s’attendait à tout sauf cela, le juunin constata avec stupéfaction que l’ex-shinobi du village d’Iwa n’était plus à son emplacement, mais… À quelques centimètres de lui. Ecarquillant les yeux de surprise, il ne se défendit absolument pas du coup qui vint. Plus rapide que jamais, Kenzô semblait avoir changé du tout au tout dans son attitude. Il était devenu… bestial. Le med-nin constata qu’il perdait une nouvelle fois l’équilibre alors qu’il suivait des yeux le Tachibana qui s’était arrêté dans une position assez étrange. Les réflexes du Miyake prirent une nouvelle fois l’initiative, et il posa sa jambe droite en arrière afin de ne pas chuter. Il fallait se l’avouer, il avait complètement sous-estimé son adversaire, et s’était laissé avoir comme un enfant. Mais cela ne se reproduirait plus. Observant l’inquiétant comportement de son antagoniste, le juunin fit à nouveau circuler son chakra à même la paume de la main, mais non à des fins offensives. Il approcha le globe luminescent de ses blessures les plus graves qui semblèrent apaisées. Mieux encore, certaines disparurent progressivement. Ainsi régénéré, Katsuki pourrait poursuivre le combat sans risquer de perdre trop de sang, ou de s’affaiblir subitement. Intérieurement, il remercia son ancien sensei de lui avoir enseigné cette technique.

Kenzô était quant à lui dans un état on ne peut plus étrange. Il s’était enveloppé le corps d’une couche de chakra, mais celui-ci ne semblait pas être ordinaire. Plus sombre et de couleur rougeoyante, il ressemblait aux entrailles de la Terre, et exhalait une aura… maléfique. Quelle était cette étrange technique ? Que manigançait donc le Tachibana ? Tout cela ne présageait rien de bon, le juunin s’en rendait bien compte. Le cri tout aussi préoccupant que son rival avait poussé ne le rassurait en rien. Face à cette situation il fallait prendre ses précautions.

*Kenzô, que t’arrive-t-il ? Quelle est cette aura malfaisante qui émane de toi ?*

Des tréfonds de sa mémoire, Katsuki semblait se souvenir de cas analogues. Mais où avait-il déjà eu ouï à propos de cet abscons aspect bestial ? Cela, il devait s’en souvenir rapidement, dans le but de connaître cette étrange technique et de réagir de manière optimale pour la suite…

Spoiler:

Tout cela commençait à devenir fortement inconfortable. À mesure que le temps s’écoulait, l’étrange métamorphose de Kenzô ne cessait de progresser. Son aura se faisait de plus en plus oppressante. L’humanité qui subsistait en lui disparut bientôt ; il ne semblait plus qu’il fut un adversaire pour Katsuki, mais bien une bête sauvage à abattre. Une fois encore, l’aberration émit une longue clameur plaintive. Telle l’animosité que le Miyake avait cru apercevoir dans le fond du regard du Tachibana, l’épiderme du susnommé semblait être désormais composée d’un étrange chakra aux couleurs du magma ardent. Il avait changé du tout au tout. Était-ce toujours contre son fraternel qu’il se battait ?

La parade des démonstrations farouches n’était guère terminée. Tel un primate exigeant la reconnaissance de sa suprématie, la créature martela son poitrail avec vacarme. Alors que cette tentative d’intimidation primaire était toujours en train de se produire, un deuxième appendice apparut lentement. Le juunin cogita durant le court laps de temps de calme qui lui était accordé.

* Ichibi, Nibi,… Jusqu’où cela va-t-il aller… Mais… ! *

Le fait d’avoir pensé ceci agita quelque chose en son esprit… Mais quoi donc ? Il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Il savait qu’il savait, mais ne parvenait plus à cerner souvenir. Comme c’était frustrant ! Pourquoi ces deux mots avaient-ils soulevé un réminiscence issue des méandres les plus profondes de sa mémoire ?... Il avait beau s’efforcer de ne pas ménager l’organe situé à l’intérieur de sa boite crânienne, rien ne lui revenait.

Sans doute aurait-il dû au préalable garder un œil sur ce qui lui faisait face, et ne pas se concentrer uniquement sur la recherche intérieure qui l’occupait. Ne se souciant pas du fait que le juunin fût en pleine phase réflective, l’avatar bestial de Kenzô frappa de plein fouet avec ses deux bras devenus étonnamment plus musculeux que par le passé. N’ayant absolument pas prêté attention à la manœuvre se déroulant devant ses yeux, Katsuki ne put agir défensivement, et le choc fut terrible. Juste avant l’impact, il ressentit l’étrange chakra entrer en contact avec lui. Un frisson lui parcourut le corps, tant ce chakra était bouillonnant et maléfique. Soudain, il comprit. Mais il n’eut pas le temps de se réjouir, car de ses deux bras, la créature l’avait projeté sur le sol. Le contact avec celui-ci fut rude, bien qu’il fut composé de corpuscules sablonneux ; c’était dire le puissance mise dans l’attaque. Le corps du Miyake souleva une petite nébulosité, qui lui accorda une nouvelle fois un court répit.

Reprenant ses esprits, le juunin reconsidéra la situation. Ichibi… Évidemment, il s’agissait là de l’horreur même ayant vécu au sein même du Kazekage. Il s’agissait d’un ancien démon, dont la puissance avait fait trembler les villages cachés. Katsuki avait été présent lors des diverses manifestations de cette horreur en plein tourment. Il y avait ressenti le même malaise, cette aura maléfique semblant le pénétrer au plus profond de son être pour y semer le chaos. Se pouvait-il que Kenzô fut atteint de la même malédiction ? Dans une de ses nombreuses lectures, le med-nin se souvenait vaguement avoir vu quelque part que ces bijuus étaient au nombre de neuf, et qu’ils étaient presque tous contrôlés par divers villages à l’aide de jinchuurikis… Mot qui parlait de lui-même. Ce ne devait pas être pour rien que l’on les nommait « sacrifices humains ».

Il se tenait donc en face d’un de ces immolés, qui avait de manière évidente perdu le contrôle du mal l’habitant. Mais était-ce volontaire ? Ou se put-il que … c’était Katsu lui-même qui avait engendré le mécanisme pervers avec ses assauts chirurgicaux ? Présentement, cela importait peu. Il fallait absolument mettre fin à l’affrontement, sans quoi le démon s’émanciperait totalement, et… Le juunin ne préférait même pas y penser. Il n’était surtout pas question de prendre la fuite ; c’était lui qui avait causé ce malheur, c’était à lui de le régler. Il envisagea donc comme première solution viable de fatiguer l’hôte jusqu’à ce que la créature se retire d’elle-même. Il n’avait pas tout su dans les détails, mais avait pris conscience que c’était un cas similaire qui leur avait fait perdre la bataille contre Konoha.

Il concentra donc une nouvelle fois le chakra dans ses mains. L’effectuation de cette technique fut beaucoup plus rapide que la fois précédente. Prudemment, il s’approcha du… gorille à petites foulées, et porta un double coup visant l’estomac une nouvelle fois. Ce qui changeait la donne, c’était que les scalpels allaient créer une véritable hémorragie interne, ainsi qu’optimalement, une fuite d’acide gastrique à l’intérieur du corps. Après une petite heure, une pareille lésion pourrait être létale. Mais ce n’était pas le but du med-nin. La douleur que cela allait créer serait tellement intense que, peut-être, cela allait calmer la bête. D’un petit bond en arrière, Katsuki s’éloigna de la bête. Dans quelques petites secondes, il pourrait observer l’effet de son attaque.

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